Bail commercial et COVID : les loyers et charges exigibles avant le 17 octobre 2020 ne sont pas concernés par les mesures de protection
Les charges locatives et loyers des baux commerciaux exigibles avant le 17 octobre 2020 ne sont pas couverts par les mesures de protections visées à l’article 14 de la loi n°2020-1379 du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l’état d’urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire même si ces loyers concernent des périodes postérieures.
C’est en ce sens que le juge de l’exécution du Tribunal judiciaire de Paris s’est prononcé le 6 octobre 2021 en faisant droit aux moyens développés par le cabinet Lead Up.
Pour rappel, l’article 14 de la loi n°2020-1379 du 14 novembre 2020 a mis en place des mesures de protection en faveur des personnes physiques et morales exerçant une activité économique qui ont été affectées par une mesure de police administrative prise dans le cadre de la lutte contre la COVID 19.
Cet article 14 dispose que les personnes répondant à certains critères ne peuvent encourir d’intérêts, de pénalités ou toute mesure financière ou encourir d’action, de sanction ou de voie d’exécution forcée à leur encontre pour retard ou non-paiement des loyers ou charges locatives afférents aux locaux professionnels ou commerciaux. Cette protection court jusqu’à l’expiration d’un délai de 2 mois à compter de la date à laquelle l’activité cesse d’être affectée par une mesure de police.
Après l’adoption de la loi du 14 novembre 2020, certains ont pu considérer que ces mesures faisaient peser sur les bailleurs l’ensemble de la dette locative et risquaient en conséquence d’entraîner des « difficultés financières certaines pour les bailleurs »[1]. Cependant, les décisions rendues par les juridictions nous montrent au contraire que la protection offerte par l’article 14 de la loi du 14 novembre 2020 fait l’objet d’une application très encadrée.
La Cour d’appel de Paris a ainsi précisé que les mesures ne s’appliquent « qu’aux loyers et charges de la période au cours de laquelle l’entreprise est affectée par une mesure de fermeture administrative » et n’ont pas vocation « à interdire les procédures d’exécution au-delà de la date d’effet de la loi du 14 novembre 2020 » (Cour d’appel de Paris, 4 mai 2021, n°21/02306).La Cour a également jugé utile de rappeler l’article 14 de la loi ne prévoit « nullement la suspension du règlement des loyers commerciaux » pendant la période de protection (Cour d’appel de Paris, 6 octobre 2021, n°21/00950).
Dans sa décision du 6 octobre 2021, le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Paris a continué sur cette lancée et débouté un preneur qui contestait une saisie attribution pratiquée par le bailleur. Le preneur estimait être protégé par les mesures de l’article 14 de la loi du 14 novembre 2020 pour les loyers du 4e trimestre. L’article 14 précise en effet que les mesures de protections sont applicables à compter du 17 octobre 2021.
Le juge de l’exécution a cependant considéré que le preneur ne pouvait pas bénéficier des mesures de protection de l’article 14 car les loyers étaient exigibles avant l’entrée en vigueur de la loi.
Le bail commercial prévoyait en l’espèce un paiement d’avance des loyers trimestriels qui étaient dus le 1er de chaque trimestre. Le juge de l’exécution a considéré que le 4e trimestre « était contractuellement exigible au 1er octobre 2020, soit à une date antérieure à l’entrée en vigueur de la loi du 14 novembre 2020 ». Le juge de l’exécution a donc validé la saisie attribution sur les loyers et charges correspondant au 4e trimestre exigibles avant l’entrée en vigueur des mesures de protection.
Cette décision est intéressante pour tous les bailleurs qui souhaiteraient recouvrer les charges locatives et loyers afférents au 4e trimestre 2020 exigibles avant le 17 octobre 2020.
[1] Voir par exemple : André Jacquin, Second confinement : les nouvelles mesures de protection des preneurs à bail commercial face à la crise sanitaire, Gaz.Pal. 23 févr.2021, p.52